dimanche 15 juillet 2012

Araki enfin - L'homme qui ne vécut que pour aimer ( Gallimard )



C'est en 2008 que paraissait aux éditions Gallimard ce livre de Philippe Forest consacré à Nobuyoshi Araki, donnant ainsi enfin au lecteur francophone le premier véritable essai concernant ce photographe contemporain majeur. Philippe Forest est également l'auteur de plusieurs ouvrages à propos de la littérature japonaise et de romans dont l'Enfant éternel qui reçut le prix Femina du premier roman en 1997. La précision est importante car une lecture croisée du romancier et du photographe révèle des thèmes communs. Ils voient en effet leur vie marquée par la mort, Nobuyoshi Araki perdit son épouse jeune et Philippe Forest sa fille encore enfant, aussi faut-il comprendre cet essai non seulement comme une réflexion sur  la photographie d'Araki, mais également comme la rencontre entre deux hommes qui se reconnaissent. 


Accompagné d'une sélection de 31 photographies dont il faut souligner qu'elles expriment au mieux les diverses thématiques explorées par l'artiste, le texte d'Araki enfin se distingue par son élégance et son intelligence et adopte une narration volontairement éclatée en de courts paragraphes, ceci afin de témoigner au mieux de la richesse interprétative de l'oeuvre d'Araki, ou plus simplement de la vie d'Araki car c'est celle-ci qu'il aura photographiée sans répit. Connaissant à la fois une passion amoureuse et un désir enivré pour Yoko, son épouse, mais aussi le décès précoce de cette dernière, Araki éprouve l'expérience de l'inconstance de la vie dans ses deux facettes les plus fortes, il la condensera dans une formule célèbre : la photographie, c'est l'amour et la mort. La photographie d'Araki, comme l'indique bien sa maxime, aura su aussi bien exprimer la puissance du désir au travers de ses photographies sentimentales et celles immortalisant des femmes suspendues dans les airs, donnant l'impression de flotter, que le désespoir d'un homme face au deuil, impuissant et voué à contempler d'un air plaintif le ciel. 
" Ma femme venait de mourir, et tout ce que je pouvais faire c'était photographier le ciel. Alentour, tout était si transparent qu'il me semblait que le monde réfléchissait mes propres sentiments et les exposait à cette lumière qui pénétrait tout."  Araki enfin, p. 102.




Hommage à un artiste au parcours fascinant, Araki enfin est de ces livres intelligents qui réaffirment que l'intérêt de l'image ne réside pas seulement dans la quête de son sens originel, mais aussi dans sa capacité à être une invention continuelle de sens. Qu'importe qu'une femme attachée par Araki soit le résultat des fantasmes d'un homme, une allusion au monde flottant de l'Ukiyo ou la métaphore désirante des mobiles suspendus de Calder comme le remarque avec malice Philippe Forest, cette femme est tout cela à la fois et c'est en cela que tient la beauté et la force de la photographie de Nobuyoshi Araki. 

Araki enfin - l'homme qui ne vécut que pour aimer
Philippe Forest
Gallimard 2008
31 photographies
160 pages
22cm x 16 cm

lundi 9 juillet 2012

Photographes A-Z ( Taschen )


J'ai toujours été fasciné par l'aisance de la photographie à pouvoir s'exprimer pleinement qu'importe le support sur lequel elle est reproduite : que ce soit au travers de l'impression signée et numérotée par le photographe à la simple revue de magazine et aujourd'hui sur Internet, elle s'expose et s'épanouit sans jamais perdre de sa force. C'est là sans doute l'une des raisons qui expliquent le succès de la photographie à notre époque, celle-ci en effet aura toujours eu à coeur d'exploiter sans cesse de nouveaux moyens de communication pour toucher un public toujours plus large.

S'il existe dans les rayons des librairies de nombreux livres à propos des photographes majeurs accompagnés de quelques clichés qui ont contribué à forger leur renommée, Photographes A-Z prend le paris de rendre hommage à ces photographes célèbres mais aussi au support matériel qui leur a permis de se faire connaître auprès du grand public, c'est-à-dire bien souvent le livre, une démarche qui n'est pas sans rappeler les livres the book of 101 books ou ceux de Parr et Badger à propos de l'histoire du livre de photographie. Chaque photographe est ainsi présenté au travers de quelques extraits photographiés d'une monographie. Ce qui est fascinant dans ce choix éditorial, c'est que cette originalité dans la présentation ne se limite pas à être justement un simple artifice de présentation. Si le sujet explicite comme l'indique le titre sont les photographes, il se dessine également en filigrane une histoire du livre de photographie, et c'est un réel plaisir de redécouvrir l'histoire de la photographie sous ce nouvel angle. Hans-Michael Koetzle parvient même à nous faire sentir les préoccupations esthétiques d'un photographe par la façon dont lui et son éditeur auront conçu son livre : si certains photographes apprécient une présentation classique avec l'intitulé de l'image sur la page de gauche et l'image sur la page de droite, d'autres tel William Klein préfèrent que leurs photographies soient exposées en pleine page afin de capturer au mieux le spectateur dans la mise en scène qu'ils ont élaborée, tout comme Hans-Michael Koetzle choisit judicieusement de présenter Guy Bourdin au travers de ses publications dans le magazine Vogue, un choix très révélateur des aspirations de Bourdin. 





Photographes A-Z saura ainsi aussi bien combler l'amateur de beaux livres, le livre présentant en effet nombre d'ouvrages aujourd'hui difficilement trouvables et et dont il est peu probable qu'ils soient réédités un jour, que le profane souhaitant posséder un livre dans lequel il pourra fureter à loisir et redécouvrir d'une manière inédite l'histoire de la photographie, le livre est d'autant plus adapté à cette exigence qu'il couvre un large éventail de thèmes, que ce soit la photographie d'architecture ou la photographie de mode.