lundi 12 mars 2012

Diane Arbus ( La Martinière )


L'exposition consacrée à Diane Arbus au Jeu de Paume à Paris a été l'occasion pour La Martinière de faire paraître en édition française la célèbre monographie de la photographe. L'exposition et le livre ont chacun rencontré un vif succès, d'où une inévitable question : pourquoi Diane Arbus continue-t-elle d'exercer un magnétisme évident sur le grand public ?

Se désintéressant du monde de la mode qui accueillit ses premières expériences photographiques, Diane Arbus se met à parcourir les rues au petit bonheur de la chance, dans l'espoir de rencontrer des personnages insolites, ou mieux se faire inviter en des lieux étranges. C'est en effet dans les endroits considérés par ses contemporains comme incongrus ( soirées de travestis, loges de cabaret, chambres de prostituée, camp de nudistes... ) que saura s'exprimer au mieux le talent de Diane Arbus : capturer les instants qui échappent soudainement à la norme. Dans la photographie de Diane Arbus, il y a une prise de conscience que cette norme, qui met en forme et donne cohérence à notre société, n'est pas omnipotente, et qu'en certains instants, celle-ci se dérobe au profit d'un moment d'étrangeté ou anormal. Mais cette dérobade de par son statut même d'anormalité  court le risque de ne pas pouvoir prétendre à participer à l'image sociale, la norme dictant ce qui a le droit à l'image et ce qui n'y a pas droit. Aussi sa photographie assume-t-elle un rôle de contrepouvoir social en se donnant pour mission d'offrir une existence sociale par l'image à ces différents individus.


Diane Arbus n'est ni la première et ne sera assurément pas la dernière à s'intéresser aux milieux qui échappent aux conventions classiques, la société et les artistes ayant toujours fait preuve d'une vive curiosité pour cette thématique. L'intérêt nouveau réside probablement dans le soin dont a témoigné Diane Arbus pour éviter de retomber dans le travers de l'exposition malsaine des personnes étranges à l'instar des Freaks dans les foires, elle aura su au contraire développer une esthétique inédite où le hors-norme ne nous apparaît pas comme extérieur à notre société mais au contraire comme l'une des nombreuses manifestations possibles de l'humanité. C'est particulièrement le cas dans la série Untitled, où les multiples portraits de malades mentaux visent à nous faire prendre conscience de la part d'humanité que nous partageons avec ces personnes, que d'ordinaire on préfère fuir en les enfermant dans les asiles psychiatriques ( Ils font partie de notre humanité pourrait être le leitmotiv de Diane Arbus ). Le travail de Diane Arbus ne vise pas à exclure ou stigmatiser les personnes étranges mais au contraire à nous faire découvrir à quel point ils sont essentiels pour comprendre comment la société se façonne car en définitive ce sont ceux qui semblent échapper à la norme qui nous informent le mieux sur la puissance qu'exerce la norme sur notre monde. Toutefois, le travail de Diane Arbus ne se limite pas seulement à arpenter les milieux de la subculture. Au contact de personnes et de lieux d'apparence bien plus ordinaires, le talent de Diane Arbus demeure intact, car même dans les évènements du quotidien, elle parvient à capturer ces fugitifs moments d'étrangeté. C'est notamment le cas du portrait intitulé Femme avec médaillon dans le Washington Square Park ( 1965 ), où le regard de la femme se fait à ce point pénétrant, qu'on en vient à se demander si le médaillon désigné dans le titre de l'oeuvre concerne le bijou qu'elle porte à son cou ou bien ses yeux qui luisent tel un médaillon...


Si les photographies de Diane Arbus nous touchent encore aujourd'hui avec une telle émotion, c'est sans aucun doute grâce à sa volonté inébranlable de témoigner de la diversité humaine, des destins et moments façonnés par les aléas de la vie. Certains naissent riches, d'autres précarisés, certains naissent avec d'excellentes prédispositions physiques, d'autres avec un handicap mental ou physique, mais finalement ils participent tous d'un même mouvement, celui de l'humanité. 


Diane Arbus
La Martinière 2011
28cmx23,5cm
+- 85 photographies
171 pages
Français

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