Polaroïds est un ouvrage surprenant. Alors qu'on pourrait s'attendre à voir se dissiper une partie du mystère Guy Bourdin par la publication de 98 de ses Polaroïds, la compilation de ces derniers épaissit au contraire le brouillard qui entoure les aspirations esthétiques profondes du photographe.
Le statut esthétique même de ces Polaroïds demeure en effet trouble. On sait que pour nombre de photographes, le Polaroïd était avant tout le moyen de connaître rapidement le rendu photographié du cadre et du cadrage d'une mise en scène, sans devoir passer par le développement d'une pellicule. Il semble que la majorité des instantanés de Guy Bourdin soient effectivement des clichés d'essai, puisqu'il existe pour chacun d'eux des photographies définitives prises sur pellicule. Toutefois, pour un nombre restreint de Polaroïds, Guy Bourdin paraît avoir considéré ces instantanés comme des travaux esthétiques en soi, bien loin du simple cliché d'essai. Pour exemple, on trouve dans l'ouvrage un Polaroïd dont Guy Bourdin a soigneusement découpé le modèle féminin de l'instantané. Très curieusement, on retrouve un instantané de la même mise en scène, mais cette fois-ci intact. Que cherchait à réaliser Guy Bourdin au travers de ces deux Polaroïds, dont l'un se trouve mutilé du principal sujet de son autre identique ? Dépourvu de tout essai à prétention analytique, on regrettera que le très court éloge du travail en général de Guy Bourdin par Oliviero Toscani n'explore aucunement la thématique du livre, il restera au lecteur à forger sa propre interprétation par son regard personnel.
Si les photographies de Guy Bourdin sont remarquables par l'étonnante modernité de leurs thèmes et couleurs, il est néanmoins séduisant de contempler celles-ci figées sur un support photographique privé de la reproductibilité de la pellicule. Soumises à l'épreuve du temps inévitable à ce support, les photographies de Guy Bourdin s'ouvrent à des teintes et des motifs inédits qui ne sauront que plaire aux amateurs de ces fragiles instantanés et à ceux qui prennent plaisir à se perdre dans l'imaginaire de Guy Bourdin.
Editions Xavier Barral
128 pages
24cmx17cm
Français
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