jeudi 15 novembre 2012

Pierre Molinier - Jean-Luc Mercié ( Les presses du réel )



Alors que ses contemporains retenaient de lui ses peintures, lui-même se comprenait d'ailleurs comme un peintre, l'histoire de l'art, par un de ces étranges retournements dont elle est capable, a fait en sorte qu'on retienne aujourd'hui de Pierre Molinier ses autoportraits photographiés où il se transforme en un personnage à mi-chemin entre la femme et l'homme. Une reconnaissance tardive pour le photographe mais légitime. Pierre Molinier est effectivement de ces artistes à pouvoir pleinement se targuer du titre de photographe tant le dessin à la lumière prend enfin tout son ampleur dans son oeuvre. Loin de se réduire au seul déclenchement de l'appareil, la photographie de Pierre Molinier trouve son véritable épanouissement dans son long et fastidieux développement après la prise. Refusant l'intervention d'un tireur professionnel, Pierre Molinier accumule les tirages au gré de ses expérimentations du support photographique : il tire et retire un même cliché, variant l'exposition et autres paramètres à chaque reproduction, retouche et découpe les parties intéressantes d'un tirage pour les réassembler dans un autre tirage. Il n'y a pas que la sexualité de Pierre Molinier qui se trouve être hybride, ses compositions photographiques le sont également. Pierre Molinier vit intensément sa photographie dans tout ce qu'elle implique. Il jouit quand il se prend en photo, se consacre passionnément au développement de l'image, exulte quand celle-ci prend finalement forme définitive et enfin savoure l'idée que des spectateurs contempleront ses photographies. Peut-être s'offusqueront-ils, peut-être adoreront-ils, qu'importe pourvu qu'il ne laisse pas indifférent. Si la photographie lui permet d'exaucer ses fantasmes les plus irréels, Pierre Molinier est également un personnage qui prend plaisir à nous provoquer, le sourire de trublion qu'il arbore sur la majorité des photographies est là pour le rappeler. Un goût pour la provocation qui trouve en partie origine dans un besoin d'attention très flagrant dans la riche correspondance reproduite en fin de volume. Les lettres déclenchent bien souvent un enthousiasme fou chez le photographe. A ceux qui lui adressent quelque louanges, Pierre Molinier leur renvoie nombre de cadeaux comme des toiles ou des photographies, une générosité qui explique d'ailleurs la difficulté actuelle pour recenser et rassembler sa production tant son oeuvre a été éparpillée au fil de ses envois de paquets postaux.


Toutefois, la provocation intrinsèque à son oeuvre ne saurait se réduire à ce seul aspect de sa personnalité, elle démontre aussi sa compréhension des fondements de la photographie. Pierre Molinier joue avec la naïveté des gens qui considèrent une photographie comme objective, son oeuvre est là pour nous avertir que l'image photographique est également une fiction dont rien ne nous assure finalement qu'elle soit une reproduction parfaite du réel. Sans doute ne l'est-elle jamais avec Pierre Molinier, qui trouve au contraire son intérêt dans la tromperie, sa photographie étant une image qui aime se parer de l'illusion pour manipuler le spectateur. Il y a bien sûr les photomontages fameux, mais aussi ses images plus anodines qui travestissent à leur façon la réalité, une image reproduite dans le livre est très éloquente à ce propos. Pierre Molinier, l'air sérieux, nous y présente sa poupée ( une figure récurrente dans ses photographies ) coquettement vêtue. Cette seule image met déjà à l'épreuve la perception du spectateur avec un leurre astucieux. Les jambes enveloppées de bas, ce sont celles du photographe tandis que la jambe habillée d'un pantalon et d'une chaussure masculine n'est autre qu'un manche à balais dissimulé.


En conclusion, une oeuvre très crue ( l'ouvrage comporte des images autrement plus explicites que celles de cet article ) mais ô combien fascinante et marquante pour nombre de photographes d'aujourd'hui. Celle-ci est rendue enfin accessible dans sa genèse même grâce à la passionnante introduction de Jean-Luc Mercié et aux nombreuses illustrations, notamment des tirages d'essai et des dessins préparatoires qui permettent de comprendre tout le cheminement de Pierre Molinier pour concevoir ses photographies et peintures.

Pierre Molinier
Présenté par Jean-Luc Mercié
Edité en 2010 aux Presses du réel
400 pages
819 illustrations
31cm x 24 cm
Français ( existe également en anglais )


vendredi 9 novembre 2012

Archeology of Elegance - 20 ans de photographie de mode




Jean-Baptiste Mondino
























Archeology of Elegance est un catalogue à propos des photographes de mode majeurs ayant officié entre 1980 et 2000. Le livre se divise en quatre chapitres, chacun précédé d'une intéressante introduction : Glamour, Punk/Rock, High-Tech/Futuriste, Art. Très agréable à parcourir grâce à la sélection des photographies qui mêle à la fois plaisir visuel et culture générale. En grief, on regrettera peut-être l'absence de photographies de l'un ou l'autre grand nom comme Helmut Newton ou Richard Avedon, vraisemblablement pour une question de droits d'auteur car ils sont évoqués dans les introductions. Excepté ce petit reproche, Archeology Of Elegance se révèle être une séduisante compilation des immanquables de la photographie de mode de ces dernières décennies.

Herb Ritts et Peter Lindbergh

Marcus Piggott & Mert Alas et Robert Mapplethorpe

David Sims et Pierre Winther

Terry Richardson et Jürgen Teller















Archeology Of Elegance / 1980 - 2000 / 20 ans de photographie de mode
Par Ulf Poschardt, Marion de Beaupré et Stéphane Baumet
Edité en 2002 chez Plume/Flammarion (initialement chez Schirmer / Mosel )
215 photographies
368 pages
31cmx26cm
Français ( également paru en allemand et en anglais ).

Guy Bourdin