On retrouve dans ce livre les qualités habituelles de la série des Stern Portfolio, c'est-à-dire de belles reproductions présentées dans un volume grand format. L'ouvrage s'attarde essentiellement sur ses photographies de femmes, attachées ou non, et de fleurs tandis que l'introduction fournit quelques repères biographiques et commente l'Arakimania que suscite l'exposition de ses photos et les réactions très contrastées des spectateurs, aux opinions enthousiastes se mêlent tantôt une opposition critique mais aussi des réprobations parfois virulentes ( on se souviendra notamment du jet d'un cocktail Molotov sur une affiche du Musée de la photographie de Charleroi qui présentait l'un des célèbres nus d'Araki ). Si le livre pêche par un léger manque de cohérence thématique dans la présentation des photographies qui pourrait dès lors déconcerter le néophyte peu au fait de la profusion d'images et de thèmes qui caractérise la pratique de la photographie d'Araki ( le journal intime et l'importance de la temporalité dans son oeuvre notamment par la présence de dates sur certains clichés, son côté Toulouse-Lautrec par sa fréquentation et ses représentations des milieux licencieux de Tokyo, l'amour et la mort de sa femme... ), ce portfolio garde néanmoins un certain intérêt par la qualité des reproductions. On y trouvera notamment quelques-uns de la série des Kinbaku Raisan réalisée en 2008. Elle consiste en des photographies en noir et blanc de femmes ligotées, sur lesquelles Araki rajoute dans un second temps de vifs coups de brosse de peinture, symbole de l'envie du photographe de se réinvestir dans ses clichés et d'y marquer la puissance du désir. La manière est d'autant plus intéressante qu'en japonais le désir comme la couleur se vivent dans un même son : Iro. Enfin, pour clore cet article, voici un extrait d'une discussion entre Jérôme Sans et Araki à propos de ses fascinantes photographies peintes.
Jérôme Sans : Vous peignez quelquefois les photos noir et blanc de couleurs, qu'est-ce que vous voulez dire par là ?
Nobuyoshi Araki : Les photographies en noir et blanc représentent la mort. Prendre une photo revient à tuer son sujet. [...] Les photos noir et blanc représentant la mort, je souhaite les ressusciter. Je veux leur ajouter des sentiments érotiques, des passions ou la chaleur d'un corps. Cela me donne aussi envie de les peindre inconsciemment. Je ne souhaite pas pour autant transformer ces photos noir et blanc en peinture. Je voudrais simplement qu'elles se rapprochent le plus possible des photographies idéales que j'ai dans ma tête. Je ne prétends pas faire de la peinture avec des bases photographiques. Mais en les peignant en couleur, croire en ces photos et les révéler une nouvelle fois.
( Araki, Taschen 25, 2007, p.16 )
Araki
Stern Fotografie Portfolio 56
96 pages
48 photographies
36cmx28cm
English/Deutsch